Les grands chantiers
du siècle :
Afin de compléter notre dossier sur les grandes réalisations en infrastructures du vingtième siècle, nous ne pouvons passer sous silence l'existence du plus grand chantier en cours actuellement, soit celui du barrage des Trois Gorges qui se dressera devant le fleuve Yangtze, dans la province d'Hubei, en Chine. La réalisation de ce projet, qui s'étale sur une durée de plus de dix-huit ans, est un des plus importants ouvrages entrepris par l'homme. Il entraînera le déplacement de près de deux millions de personnes, détruira 13 villes et 4500 villages, 108 sites archéologiques, et inondera des milliers d'hectares de terres agricoles. Malgré ces inconvénients majeurs, ce projet pharaonique demeure une nécessité pour la Chine si celle-ci veut s'élever à titre de leader des nations du XXIe siècle. La Chine a dû apprendre à vivre avec les crues du Yangtze et cela depuis des millénaires. Ce fleuve qui mesure 6300 km, soit le troisième en longueur après le Nil et l'Amazone, fut et est toujours une source de vie pour cette région du globe, mais a la fâcheuse tendance à sortir de son lit (on a dénombré dix années d'inondation au cours du dernier siècle) et est responsable de plus de 300 000 morts au cours du XXe siècle uniquement. Ce ne fut pourtant qu'en 1919 que l'on avança l'idée d'un grand barrage aux Trois Gorges, mais des problèmes techniques et sociaux ont relégué ce projet aux oubliettes pendant de nombreuses années. Il a fallu attendre jusqu'en 1988 avant que le défunt Premier ministre Li Peng ne reprenne en main le projet, qui dut toutefois attendre quatre ans avant de réussir à se faire accepter par l'Assemblée nationale Chinoise. La première tranche des travaux, qui a été complétée en 1997, consistait à ériger une énorme digue (11 millions m3 de roches et de terre furent déversés) afin de détourner le cours principal du fleuve et de pouvoir ainsi ériger le barrage sur un terrain sec. Des milliers de tonnes de roc et des blocs de béton ont été versées afin de combler les 40 m qui séparaient deux digues construites précédemment à chacune des rives et qui enserrent le canal de dérivation à travers lequel se déversent maintenant les eaux du fleuve. La hauteur de la première digue atteignait 66,5 m au-dessus du lit du fleuve et fut élevée à 88,5 m par la suite afin de pouvoir contenir les crues printanières du fleuve. Plus de 20 000 ouvriers travaillent sur le projet qui ne sera complété qu'en 2009. De nombreuses compagnies étrangères ont fait part de leurs expertises pour ce projet, notamment Hydro-Québec, SNC et Lavalin International. On s'affaire maintenant au barrage proprement dit, barrage qui sera d'une hauteur de 185 m et d'une largeur de 2150 m. Le barrage contiendra une centrale hydroélectrique de 18 720 MW qui subviendra au besoin électrique de l'est et du centre de la Chine, ce qui réduira de 40 à 50 millions de tonnes la consommation de charbon brûlé chaque année et contribuera énormément à l'amélioration de la qualité de l'air. Plus encore, l'électricité produite par le barrage permettra à la Chine de se bâtir une véritable structure industrielle et le barrage permettra d'augmenter le trafic maritime sur le Yantze car les embarcations n'auront plus à subir les caprices de son cours tumultueux. En effet, le barrage permettra de régulariser les eaux du fleuve en permettant un débit maximal de 116 000 m3 par seconde et créera à son embouchure un immense réservoir de 632 km de longueur qui engloutira villes et villages. Un projet de développement est également prévu sur les berges du futur réservoir afin de promouvoir la pêche sportive et le tourisme. Ce projet ne fait pas le bonheur de tous et a même fait l'objet d'une campagne internationale afin d'en empêcher sa réalisation. Les écologistes n'ont pas oublié les impacts négatifs des barrages, faisant ainsi référence à l'expérience malheureuse du Grand Barrage d'Assouan, barrage qui a fait l'objet d'une chronique précédente. Outres les villes qui seront englouties et les millions de personnes déplacées, les adversaires du projet craignent que le réservoir ainsi engendré ne devienne un véritable dépotoir où viendront s'entasser un milliard de tonnes de déchets industriels. Ils craignent également la disparition de plusieurs espèces de poissons, de plantes médicinales rares et ainsi que l'érosion graduelle du sol et l'appauvrissement des terres agricoles. De plus, on n'a pas encore oublié la catastrophique rupture d'une série de digues dans la province du sud de l'Hénan en 1975 suite à des pluies diluviennes, une catastrophe qui avait causé plus de 200 000 morts et créé des centaines de milliers de sans abris. Récemment, le barrage des Trois Gorges a fait les manchettes en rapport à des allégations de corruption et de détournement de fonds par des hauts fonctionnaires chinois. De plus, de nombreuses critiques fusent relativement à la violation des droits humains notamment en ce qui concerne la relocalisation forcée des populations, parfois dans des campements de fortune. Les coupables furent dénoncés et, dans au moins un cas, la sentence (la peine de mort) fut exemplaire. Le coût prévu pour cet immense projet est de 29 milliards $, somme qui doublera probablement selon certains experts. Malgré les critiques et la campagne internationale pour arrêter le chantier, la construction du barrage des Trois Gorges se poursuit. Le gouvernement chinois a d'ailleurs un allié de taille: le climat. En 1998, des crues catastrophiques du Yantze ont causé la mort de 4150 personnes et fait plus de 300 000 sans abris. De plus, le 6 juillet 2000, des inondations ont causé la mort de 410 personnes en plus de dommages de 16 millions $. Seule la fin de la construction du barrage des Trois Gorges (prévu pour 2009) pourra faire cesser ce fléau.
Références
Série Les grands chantiers du siècle :
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